
Note d’intention
Amener le mentalisme sur un tout autre terrain : celui du jeu !
— Par Olivier Rijckaert, auteur et interprète du spectacle.
Le mentalisme - une branche spécifique de l’art magique - a connu, ces dernières années, un fort regain d’intérêt de la part du grand public, sous l’impulsion d’une célèbre série télévisée, puis de quelques artistes fortement médiatisés, principalement en France. Le point commun des ambassadeurs contemporains de cette forme d’illusionnisme est leur “sérieux” : quasi tous présentent le mentalisme comme un pouvoir dont ils seraient réellement dotés, en laissant croire à la véracité de leurs facultés mentales hors du commun. Très souvent, ces mentalistes entretiennent savamment le doute en-dehors de la scène, en participant à des émissions radio ou télé, au milieu de réels experts de la psychologie, ou en commercialisant des ouvrages de vulgarisation censés démontrer les “étranges pouvoirs” du cerveau.
En créant “Das Laboratorium”, j’ai voulu me distancier de ce mouvement et ramener le mentalisme à sa véritable place : la scène. Ce lieu d’émerveillement, de plaisir, de remise en question, parfois même de peur mais surtout - fait assez rare pour cette discipline - de rire !
Dès ses premiers pas sur scène, le Professeur Loriot crée le trouble : mais qui est-il ? Que cache son passé ? A quelle sauce va-t-il manger ses “volontaires” ? Est-il vraiment si autoritaire et dérangé qu’il en a l’air, ou n’est-ce qu’une façade, une carence dans la maîtrise des émotions (dont il se prétend pourtant un grand spécialiste…) ? Au milieu de ce désordre psychologique apparent, les pouvoirs du Professeur, eux, semblent bien réels et se renforcent au fur et à mesure des expériences avec le public, jusqu’à finalement produire des événements totalement impossibles, extraordinaires.
Mais le jeu du personnage et sa texture truculente rappellent aux spectatrices et spectateurs qu’ils sont bel et bien au théâtre et que, tout aussi véridiques que paraissent les expériences invraisemblables auxquelles ils participent, le véritable “manipulateur”, dans le laboratoire, ce n’est pas le Professeur que leur propre cerveau. Pour reprendre les propos éclairés de Toni Slydini, immense magicien du début du 20ème siècle :
“La magie ne se produit pas dans les mains du magicien, mais dans l’esprit du spectateur”.
Ainsi en va-t-il du mentalisme, celui que je souhaite partager avec joie et malice, dans Meine Laboratorium !
Note du metteur en scène et directeur d’acteur
— Par Olivier Antoine
Quand Olivier Rijckaert m'a proposé de l'accompagner sur ce projet, il m'a dit d’emblée : « Un bon spectacle de magie, c'est 40 % d’excellente technique et 60 % de jeu »… Je l'ai pris au mot.
J'avais déjà travaillé avec des magiciens, jamais avec un mentaliste : je découvrais donc une nouvelle technique artistique.
J’ai fait travailler Olivier durant des heures, des jours, des semaines sur des déplacements rapides, des changements de direction précis, des points d'appui visuels, une adresse frontale au public, des variations de rythmes surprenantes, ... Cette routine, typique du travail de jeu, est devenue le terreau sur lequel nous avons pu créer le personnage du Professeur, tel qu’il existe aujourd’hui.
Parallèlement au training d’acteur, nous avons contextualisé l'histoire de ce professeur et de ses recherches scientifiques sur le cerveau humain, à partir d'improvisations dirigées et de commandes d'écriture.
Nous avons abordé divers styles de jeu (comédie, farce, burlesque, clownesque), en gardant comme mot d'ordre la sincérité des situations. Je voulais emmener Olivier dans un jeu haut en couleurs, dans des énergies démesurées, pour donner de la profondeur et de l'épaisseur au personnage. Ce ne fut pas simple, mais nous avons aussi beaucoup ri de ce phénomène invraisemblable en train de naître sous nos yeux : le Professeur Loriot !
Je tenais à ce que les séquences de mentalisme s'articulent dans un univers concret et indépendant. L'idée du laboratoire scientifique est alors apparue comme une évidence : un labo qui serait aussi une sorte de cabinet de curiosités, une baraque foraine, pour accueillir les expériences secrètes de ce professeur.
Olivier s’est immergé dans l’écriture du script et nous avons continué à développer l’ossature du spectacle. La matière était là, dense, nous pouvions commencer le travail de mise en scène.
J'ai opté pour une mise en scène sobre, au profit de l'extravagance du Professeur et des interactions avec le public. Comme dans tout spectacle de mentalisme - qui nécessite la participation de volontaires sur scène - il y a beaucoup de déplacements et de temps d’attente : il fallait faire vivre ces moments, les dynamiser, aller à l'essentiel sans fioritures, au service des contraintes et des actions techniques.
Enfin, une évidence s’est imposée dès le début du travail : le parti pris de l’humour, délicieux mélange du comique de situation et du comique de caractère, provoqué par ce Professeur émérite, véritable cocotte-minute qui côtoie en permanence la mauvaise foi, le surréalisme et la folie douce.